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© Escalade Alsace
Yann Corby



Texte : Mikaël Stoeckel

Bon, je lance un peu d'huile sur le feu mais n'allez pas non plus en faire toute une histoire...
Alors, Opérette Horizontale, 8a+?!



Nostalgie quand tu nous tiens...
J'ai pris connaissance de cette voie il y a déjà plusieurs années avec la célébrissime couverture du Roc'n Wall n°24 de juin 99. Je me souviens de mes yeux rivés sur LE MOUV' infaisable de cette voie, le yaniro de folie (mais comment il fait le gars !?) !!!
Pour résumer mon état d'esprit, JMTT et Loïc Fossard étaient des demi-dieux et les frères Meyer des illuminés en affirmant avoir passé 79 jours/110 à Marlen en 1996.
Plusieurs années plus tard et un certain nombre de voies dans le 8 inscrites dans mon joli carnet, mon regard avait évolué...Certains demi-dieux étaient devenus des amis proches, d'autres des connaissances agrémentant mon répertoire téléphonique, histoire de trouver quelqu'un pour essayer un projet ultime au fin fond de la Pfalz... Si si je t'assure Mike ! Les P. Bollinger, Wolfgang Güllich, Moffat et autres ne sont que des hommes !!!

Perdue de recherche... Il faut bien l'avouer, vu le peu d'ascensions de la voie et le peu d'intérêt qu'elle suscite au regard de ses comparses tels le Théâtre du Nô ou le Monument hystérique, Opérette est une ligne qu'on ignore facilement.
Ce n'est autre que Thomas Leleu qui raviva quelques années plus tard mon intérêt pour cette voie. Il m'avait alors suggéré d'aller y faire un tour d'une bien belle manière : «Avec ton physique et ta technique de pied légendaire, elle peut te convenir !» Je me souviens d'un Mister Leleu aux biceps saillants essayant désespérement de se contorsionner au bord du plafond pour planter son yaniro... et surtout de ma première montée dans Opérette verticale se soldant par un joli but, moi qui pensait faire un 7b à vue (putain de pas de bloc de MERDE !!).
Autant dire qu'une unique montée jusqu'au fameux crux du plafond m'a suffit !

Elle était pourtant séduisante c'te putain de ligne! Une approche en 6a vers un pas de bloc légèrement à condition (la blague) pour le 7b verticale et l'on se retrouve sous le toit en train de se dire un truc du genre : «Bon ben pour la technique de pied on verra plus tard, va falloir sortir la GROSSE RÉSI À BRAS, genre tu regardes ton biceps et tu lui dis de rester en position ON».
Une fois les mouvements sans les pieds exécutés avec élégance (ou le tire clou c'est selon), on replace les pieds histoire de clipper à l'arrache le 4e point parce que bien sûr on saute le 3eme... Puis c'est parti pour un 180° sans les pieds dans le plafond pour rejoindre le rebord où il s'agit de planter le yaniro de la mort sur la main gauche afin de chercher au loin la réglette une phalange. Là, le dur semble derrière soi si ce n'est qu'il faut encore parvenir à défaire le yaniro, sans perdre les prises, et faire un mouv de campus pour chercher la prise suivante. Bref, j'ai vite lâché l'affaire avec le yaniro et après un tire clou monumental vers le point suivant quelle ne fût pas ma surprise lorsque, les deux mains sur le bac de sortie, je ne parvenais pas à distinguer les prochaines prises... Pour couronner le tout Master Leleu ajoute le fameux refrain : «La sortie c'est pas fini, y a encore un putain de mouv à la con et après, les prises, c'est que du sable jusqu'en haut !»
Après avoir pesté dans toutes les langues, «Bloody hell c'est quoi ce mono-doigt arqué demi-phalange en fin de voie !» ou «mais putain y a personne qui fait le ménage là haut ya au moins 1cm de sable sur toutes les prises !», je parviens dépité au relai de la ligne et fait signe à Thomas de me faire descendre... À ce stade vous me dites un truc du genre ''ça donne envie'', ben pour finir j'ajoute qu'il y a tellement de tirage que récupérer sa corde relève du sketch absolu, style trois types qui tirent sur la corde sans parvenir à la faire bouger d'un pouce.
Bon je sais pas vous, mais moi à ce moment je me suis dit : «mec t'as aucune chance ou alors c'est pour le futur, passe ton chemin !» De plus j'entendais déjà les rumeurs du style c'est jamais 8a+, c'est trop spaaaace comme voie, etc...

Quelques années plus tard...
Première ascension en 96 par Loïc, moins de 5 ascensions plus tard (si je ne me trompe pas), nous voilà fin 2011. Il est des voies dans nos contrées (Alsace, Pfalz) qui sont étonnement peu célèbres de part leur faible taux de réussite et donc probablement leur fort taux de but/rasade.
Fin 2011, je rencontre Pierrot (Bollinger) sous le toit de Marlen. Toujours dans les projets ultimes en 9a ? Pas du tout, il essaye Opérette. Ma curiosité s'accentue lorsqu'il m'explique une nouvelle méthode sans le yaniro consistant en des mouvements de campus board à l'aide de prises intermédiaires illusoires. Il termine évidemment son explication par (je vous le donne en mille) «Tu devrais aller voir, ça devrait te convenir, sans les pieds c'est ton truc...». Mes amis ont semble-t-il une piètre considération de ma technique de pied. J'ai quand même fait beaucoup de progrès depuis !
J'attire ici l'attention du lecteur (vous êtes encore là ?) sur la notion de démystification d'une voie et l'importance que ce processus peut avoir dans une optique de réussite. Certes, il n'est pas facile de retourner dans une voie où l'on n'a rien compris, voir galéré comme jamais. Qui souhaiterait raisonnablement y remettre les pieds en ayant généralement dans la tête l'idée de se ridiculiser à nouveau devant ses potes...
Bien au contraire, je profite de cette chronique pour véhiculer un message optimiste. Notre pratique est douée de ce facteur magique, qui nous permet quelquefois de réussir à maîtriser un passage où des années durant nous avons échoué. L'enchainement n'est pour ma part que la cerise sur le gâteau mais il devient envisageable ! J'encourage donc tous les grimpeurs à retourner dans leurs vieux démons avec un œil neuf, un esprit ouvert, riche d'une expérience supplémentaire permettant de voir plus loin.
Ce même jour, je me lance donc dans une montée sans réelle prétention et je parviens immédiatement à faire la section du crux avec cette nouvelle méthode. Faut-il ajouter par ailleurs que j'ai rasé sur le crux du 7b... Euh, c'est clair il ne faut pas négliger le départ !

I will be back!!! Fin 2011, je m'étais donc promis de me réinvestir l'année suivante dans cet itinéraire remis au goût du jour par Herr Bollinger Himself and Co. Le moins que l'on puisse dire c'est que la préparation pour ce genre de voie ne paraît pas compliquée. Je me voyais déjà aller voir Thomas Wendling au vieux camp' et lui dire : ich bruch des bras genre verrins hydrauliques mit turbo rabbit und viel power für 8a+ mon cul. Au lieu de cela, décision fut prise de faire quelques séances de tractions dans les prochains temps sans forcément se focaliser sur cet objectif.
La première séance d'essais se solda par une impression désagréable de subir physiquement les mouvements alors que je parvenais difficilement à clipper la 4ème paire du plafond soit bien avant d'engager le crux ! Le mouvement du crux passe une fois sur 3 et je ne dédaigne même pas revoir la suite.
Étant tout juste revenu d'un séjour en Espagne, je me heurte soudain à la réalité des voies dures alsaciennes. Ces dernières apparaissent parfois si spécifiques qu'il en devient difficile de mesurer leur cotation/difficulté. On entame là un vieux débat sans cesse remis aux goûts du jour (dernièrement lors de l'interview de Romain Pagnoux). Les voies alsaciennes sont-elles sous- ou surestimées, y a-t-il des délires dans les cotations de certaines voies ?


Mikaël enchaîne Opérette et en parle avec Pierre Bollinger

Et soudain, l'enchainement
C'est presque par surprise que l'on parvient à tenir cette fameuse réglette. À ce stade on passe du «Bordel je la tiens cette salope !» au «Eh merde c'est pas fini» en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
Il ne m'aura fallu finalement que peu d'essais pour venir à bout d'opérette, avec bien peu d'entrainement spécifique en comparaison de ce que j'ai pu fournir pour venir à bout d'autres itinéraires. Est-ce de la chance, une prédisposition pour ce genre de voie ou autre chose ? En dehors de l'aspect physique de cette voie, je considère surtout qu'il faut au moment de l'essai avoir une dose importante d'influx nerveux doublée d'une coordination précision/spécifique (soit pour le yaniro soit pour les mouvements du type pan Güllich). Définir une cotation, est-ce si important ? J'entends déjà les vieux slogans du style «il faut sauver le 7c+...», que l'on prendrait soin de transposer en «il faut sauver le 8a+».
N'attendez pas de moi que je propose une cote à la hausse... ou à la baisse. Je préfère plutôt évoquer mes impressions afin de donner envie aux autres de tenter des voies qui leur paraissent inenvisageables voir bien au dessus de leur niveau et cela sans complexe...
En définitive, bien plus que sa cotation, je garderai en souvenir de cette voie des sensations énormes liées bien sûr à sa configuration athlétique unique en Alsace mais aussi au caractère grisant de maîtriser de plus en plus l'aléatoire du crux.


Juin 1998










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