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Yann Corby
LES HAUTS ET LES BAS DE NOEL


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Chronique québécoise par Jean-Pierre Banville





Foi de Père Noël, quel temps de chien!

De la neige et du vent, des inondations, des avalanches, des tempêtes, des vagues de froid! Et puis quoi encore, en ces temps de réchauffement climatique?
Je songe sérieusement à déménager mes quartiers généraux dans les Rocheuses : alors que l'Arctique se réchauffe, les Rocheuses se couvrent d'un blanc manteau de plus en plus épais. Pourquoi pas? Rien n'est éternel sinon le changement. Les humains l'ont oublié durant les derniers siècles, depuis l'avènement de technologies qui protègent des aléas de la nature, du climat, des famines, des épidémies, des catastrophes naturelles. Heureusement qu'il reste encore la politique, qui demeure toujours changeante et toujours aussi bête. Quant aux politiciens… je leur donnerais volontiers des morceaux de charbon pour Noël… hélas, ils seraient assez tordus pour aller les vendre à des centrales thermiques polluantes!

Pour tout dire, je me demande bien où j'irai grimper, cette année, après ma distribution de jouets! La neige plaque toutes les falaises de France. L'Italie n'est guère mieux. L'Espagne de même. La pluie inonde l'Asie. Je n'ose plus survoler le Moyen Orient considérant le nombre élevé de missiles et de drones qui parcourent le ciel. L'Australie brûle.
Dans quel monde vivons-nous?
Vais-je devoir me réfugier dans une salle? Une salle d'escalade??

Si vous saviez tout ce qu'on peut voir durant cette distribution de cadeaux! Un rapide survol de la planète permet de se rendre compte qu'elle est peuplée, en majorité, d'une foule de tristes fanatiques religieux. Ils croient en quelque chose qui, le plus souvent, les oblige à une vie morne faite d'interdits en tous genres et surtout à une détestation de tous ceux qui ne partagent pas leur credo. Toute cette amertume pour le vain espoir d'avoir une vie meilleure dans un au-delà après la mort! Comme s'il n'était pas plus logique de vivre une vie sans contraintes, une vie souriante et radieuse, dans l'univers visible qui est le nôtre. En prime, ces hurluberlus - tous camps confondus - ne croient pas en mon existence!
Mais il y a aussi des gens incroyables qui profitent au maximum du présent au grand dam des tristes sires qui veulent éteindre la joie de vivre librement.
Preuve en est que vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de spas et de bains tourbillons extérieurs, le nombre de piscines chauffées! Et la nuit de Noël… et bien j'en vois de toutes les couleurs. Il y a ces adeptes féminines de la chirurgie, dans les piscines, dont la vague causée par leurs implants rivalise avec la vague de proue d'un pétrolier.
Implants qui pourraient être utilisés comme bouée en haute mer tellement… enfin… vous voyez la nature de la chose. Il y a les adeptes de la chimie à base de toxine dont le visage qui surnage souffre de rigidité cadavérique : le sourire est figé, les lèvres sont immobiles, le front est glacé et les yeux d'un grand fixe possèdent la chaleur de ceux d'un poisson empaillé. Sans compter les lyposucés, homme et femmes, qui ne flottent plus comme avant.

Je vous surprends? Les filles dans les piscines chauffées?
Mais bien entendu que le Père Noël a des sentiments… enfin, ce genre de sentiments et d'attractions on ne peut plus terrestres! Absolument, je regarde les filles sortir des bains de minuit dans le plus simple appareil. Bien entendu que je jette un coup d'œil par les fenêtres de temps à autre… juste pour voir si on dort et surtout si on porte quelque chose en dormant. Le Père Noël n'est pas fait en bois…
Il m'arrive même de faire des rencontres! Furtives, bien entendu, mais de vraies rencontres où il se passe de vraies choses comme dans les films tard le samedi soir!

Pas plus tard que l'année dernière.
Je survole Ottawa et je me décide à faire un arrêt pipi ( oui, le Père Noël fait ça aussi! ) à la salle de Peter Slivka, Vertical Reality. Une grosse salle d'escalade, des murs et des dévers à faire peur, un peu comme le propriétaire. Facile d'entrer : le pauvre Peter range toujours sa clé de secours au même endroit depuis des années.
Donc je rentre et je fais ce que j'ai à faire dans des toilettes qui sont impeccables. Je vous les recommande. Je ressors et je me dis que je pourrais aller voir les nouveaux problèmes de bloc quitte à en essayer un ou deux. Je suis en avance sur ma cédule de livraison.
Je fais le tour de la salle d'en haut mais c'est, de visu, trop difficile pour mes maigres forces. Je descends dans la salle du bas, celle dont le centre est un îlot où on ressort par en haut en utilisant une passerelle pour rejoindre le deuxième étage. Ingénieux!
Là, sur les tapis de mousse bleue, une jeune femme est endormie, ses chaussons et son sac de magnésie à ses cotés. Incroyable! Le paranoïaque qu'est Slivka a oublié de mettre en marche son système de sécurité et cette grimpeuse est entrée par effraction. La nuit de Noël. Pour grimper.
Cela en dit long sur l'état de la vie sociale de la demoiselle… on ne fête pas Noël avec Facebook!

Je me penche et la secoue un peu. Elle ne peut rester là : si le propriétaire l'attrape, il va porter plainte et, être verbalisée pour avoir grimper, ça ne devrait exister que dans les pays des fanatiques cités plus haut.
Elle ouvre les yeux. De toute évidence, elle n'est pas accro ni au clostridium botulinum ni à la chirurgie. En fait, elle a de jolis yeux et son top coquin montre une poitrine comme je les aime. Rien de trop sous le soleil!
- Père Noël… je dois rêver…
- Mais non! Le Père Noël aime bien la grimpe, même celle en salle. Et tu fais quoi, seule, ici?
- C'est une longue histoire… mais il n'y a personne qui m'attend. C'est la nuit de Noël. Tout est tellement gai que ça en est triste. Vous savez, cette mélancolie qui nous prend quand la vie n'est pas ce qu'on souhaite, qu'elle ne sera jamais ce qu'on nous avait promis, que l'avenir est comme un long fleuve tranquille et que ce fleuve, ça ressemble drôlement à un large égout.
- Ma petite, tu aurais avantage à lire Onfray, le philosophe hédoniste… s'il ne te convertit pas à une vie de plaisirs, son verbiage a au moins l'avantage de paralyser toute activité cérébrale et d'endormir la douleur. Et tu as demandé quoi comme cadeau?
- Je n'y ai pas pensé. Vraiment pas pensé. Je ne suis pas attachée aux biens de la terre… j'aime vivre mes émotions…
- C'est un début! Vaut mieux vivre ses émotions que les manger. Regarde ce qui arrive aux USA : leur poids démographique va bientôt faire basculer l'axe de rotation de la Terre!
Enfin, leur surplus de poids… certains individus y sont tellement gros que des gens entrent en rotation autour à cause de leur champ d'attraction! Une galaxie de Gros est en train d'y prendre forme.
- Père Noël … je ne vous trouve pas trop sérieux, là! Ce n'est pas du tout l'idée que je me faisais de vous. Et en prime, vous avez des chaussons et un sac de magnésie… donc vous grimpez!
- Tu aimerais du matériel d'escalade? Il y a ces nouveaux chaussons…
- Non … mais j'aimerais bien grimper… je suis seule depuis tellement longtemps…
- Ah! Tu veux que je t'assure? Que je te pare? J'ai encore une bonne demi-heure à moi. Et j'ai une corde dans le traîneau.
- Non, Père Noël!!! Je pensais à un autre genre de grimpe, un exercice plus prenant. Allez, dites oui! Juste pour cette fois… personne ne le saura jamais… j'ai été très gentille toute l'année.

Bon, que je me suis dis, juste pour cette fois… et je ne serai pas en retard. Je vais aller grimper au Muzzerone à la fin de la tournée… et elle est bien tournée, cette petite… N'allez pas croire que je trébuche sur tous les tapis de salle et que j'accepte toutes les invitations. Le Père Noël ne vient qu'une fois pas année et il se doit de faire preuve de discernement. Ce n'est pas comme les Lutins qui sautent sur tout ce qui bouge. Débridés, les Lutins!

J'ai donc entrepris de la déshabiller lentement - mais pas trop à cause de l'horaire chargé. Totalement nue, il ne me restait que ses bas à lui retirer. Des bas colorés à souhait, des bandes vives. Qui cachaient les plus magnifiques mollets de la Terre. J'ai un faible pour les mollets : pas massifs, pas des piliers de temple, pas des tiges maigres qui se terminent par une cheville osseuse. De vrais mollets comme Harlow ou Monroe… chacun a droit à ses goûts. Moi, je ''trippe'' mollets.
Et Véra, car c'était son nom, et bien Véra avait de bien beaux mollets et de très belles qualités qu'elle s'est empressée de me montrer. Ah oui… Véra avait fait du ballet classique et elle est d'une souplesse à faire rougir un chat. Une chatte.
Je vous en dirais volontiers plus, je pourrais vous mentionner les sommets atteints et les fissures empruntées mais c'est une histoire de Noël et il y a des enfants dans la salle. Certains pourraient se faire une idée fausse du mythe du Père Noël. Je reste donc silencieux sur mes performances grimpistiques et sur l'œuvre de chair durant la nuit de la Nativité. Je pourrais par contre vous parler du bain de minuit observé à Kalymnos… un grimpeur alsacien et quatre naïades grecques dans le plus simple appareil…

Quoiqu'il en soit, je me suis ramassé avec Véra et ses mollets et ses bas. Elle avait eu son cadeau mais il me semblait qu'il y avait encore des zones d'ombre dans sa personnalité. Zones que je me devais d'explorer…
Alors j'ai pris les bas et je les ai jeté dans le traîneau. Elle a suivi sans trop regimber car retourner chez elle sans bas, en hiver… Elle était seule. Moi aussi.
On s'est donc retrouvé au Muzzerone, le lendemain de la virée, pour y grimper quelques longues voies. Au soleil, au bord de la Méditerranée, avec quelques bouteilles des Cinque Terre et tout le temps devant nous.

Vous savez quoi?

Ça m'a fait le plus grand bien. Moi aussi je me sentais seul. Toute cette folie sur la planète et personne à qui en parler. Vous allez me dire qu'il y a les Lutins! Mais essayez de sortir quelque chose de sensé de ces Lutins là! Il y a mon ami la Mort mais son horaire de travail est terriblement chargé. Il y a les trois zigotos qu'on laisse sortir périodiquement du Ciel et de l'Enfer parce que même les damnés ne peuvent les supporter et les anges n'ont pas la patience. Hélas, ils ne sont là que pour les mauvais coups… et Dieu sait qu'ils en font… encore avant-hier… le laxatif dans le verre de lait de… enfin… des horreurs…
Bref, Véra, pourquoi pas?

De toute façon, la tradition veut que j'aie une Fée des Glaces. Allez savoir pourquoi!
Donc j'ai demandé aux Lutins de renforcer la suspension du traîneau. J'ai aussi fait allonger la carrosserie et rembourrer le large banc qui est devenu un très large banc, un très, très large banc, vraiment moelleux. Pas qu'il y a des nids de poules mais il faut éviter les inconforts de la route. Et comme les rennes connaissent le trajet par cœur!
Et j'ai fait accrocher les bas de Véra derrière le traîneau. J'aime bien la couleur. Et les bas de Noël, c'est une tradition millénaire. Ce qui me permettra d'avoir ses mollets à l'œil… Et s'il fait trop froid pour grimper en falaise, on retournera chez Slivka!

Vous ferez ce que bon vous semble de cette histoire de Noël. Le monde change : l'ombre du fanatisme et de la déraison plane sur notre terre. Le climat change aussi, comme toujours. Mais tant qu'il y aura un Père Noël, un soupçon d'amour gratuit, un sourire à un ami, une bonne pensée pour autrui… et bien il y aura de l'espoir!
Surtout, tant qu'il y aura des montagnes et des falaises et des blocs et des gens pour y monter, on pourra croire que l'avenir est à ceux qui grimpent tôt.

- Ok, Véra… embarque dans la carriole… mais tu portes quoi sous cette couverture de laine polaire? Tu sais qu'il va faire froid!
Rien????
Véra… Véra… Véra…. Saute sur ce banc et laisse moi te réchauffer…

Allez, on grimpe!

Joyeux Noël !




JPB






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