Hector Becker revient sur son 1er 8c+, le labyrinthe de pan

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Hector dans le crux du Labyrinthe

Comment ne pas se perdre dans Le Labyrinthe de Pan ?

Par Estelle Rocher

Ce samedi 14 décembre 2024, au cœur du célèbre site d'escalade Alsacien, le Kronthal, Hector Becker a franchi une étape décisive dans sa carrière en réalisant son premier 8c+ « Le Labyrinthe de Pan » en un temps record. Avec une détermination sans faille et une technique irréprochable, Hector Becker a surmonté cette voie d'exception en seulement deux séances, suscitant l'admiration de ses pairs et consolidant sa réputation dans le monde de l'escalade. Cette performance remarquable témoigne non seulement de son talent et de sa persévérance, mais aussi de l'aboutissement de longues années de dévouement et d'entraînement intense.

 

Pourquoi as tu choisis « Le labyrinthe de Pan » ? Ça a un rapport avec Lucas Schwinte (ami d'Hector ayant enchaîné la voie en 2019) ?
Ouais, c’est son premier 8c+, je l’avais assuré dedans et forcément en voyant les mouv’, ça donne envie. Et après y a pas tant de 8c/8c+ en Alsace. Dans le plafond du Kronthal t’as 5
voies qui ont cette cot’ sachant que 3 sont des variantes de sorties que j’avais déjà faites.
Ce qui fait du « Labyrinthe » l’une des seules lignes classique dans le 8c+ dans mon style !


Tu peux nous faire une description de la voie du « Labyrinthe de Pan » ?
La voie se compose de trois sections distinctes. D’abord, une section verticale d’approche
d’environ trois-quatre mètres. On arrive ensuite dans le début du plafond, une première
section complexe de quatre mouv’ de positionnement qui se jouent sur une pince main
gauche, une verticale main droite, et un talon verrouillé pied droit.
De cette position, on cherche une prise inversée main gauche tout en verrouillant le
talon gauche, quelques changements de pieds sont donc nécessaires. Cette section est
assez particulière car elle nécessite de coincer le talon et la contrepointe, demandant un bon gainage. Les mouvements sont délicats et à sensation.
La deuxième section, véritable crux de la voie, commence donc avec une prise inversée
main gauche et une main droite sur une réglette assez bonne mais difficile à travailler en
venant du bas. À partir de cette position, tu perds les pieds pour reposer le pied droit sur une petite marche oblique. Voici le mouvement le plus difficile de la voie : réaliser une sorte de canne à pêche pour atteindre une épaule main gauche en perdant les pieds. Ensuite, tu recolles les pieds, dont le pied gauche en contre-pointe, te permettant de relâcher la main droite pour clipper et souffler. Puis, tu ramènes ta main droite juste au-dessus de la main gauche. La prise en question est une sorte de carré qui offre trois préhensions, donc tu inverses la main gauche pour réarmer la main droite et lui donner plus de place.
Ensuite, tu ramènes le pied gauche près du pied droit, croises ton pied droit vers l’intérieur,
puis vas chercher une épaule main gauche, une petite arquée.
Tu ressors le pied gauche et envoies sur la lèvre en prenant un ballant, tu recolles les pieds
et places un talon droit et un pied gauche. Puis tu engages le bassin pour ramener la main
droite près de la main gauche sur une réglette.
Ensuite, pour le dernier mouvement, tu te trouves dans une position assez précaire, une
sorte d’équilibre sur le talon et le pied gauche. Il faut imaginer qu’à ce moment les pieds sont dans le plafond et les mains sont à la sortie donc tu as le bassin en plein dans le rebord du plafond. Pour sortir de cette position et faire le dernier mouv’, il faut balancer ton bassin vers la droite afin de prendre de l’élan et d’atteindre le bac final de la section difficile.
La dernière section est un 7B commun à plusieurs voies dans le plafond assez physique.
T’es bien étendu dans le plafond donc le gainage est difficile sur quelques mouv’. Y a moyen
de craquer (petite dédicace à ce bon vieux Lucas Schwinte) mais si tu te la donnes ça se fait
bien.

Parles moi de tes autres performances ? Tu as réussi un 8B (« Un jour j’arrêterai »?),
bloc que personne n'avait réalisé à part Pierre Bollinger ?
C’était l’hiver dernier, période où j’étais plutôt solide en bloc, je me suis motivé et je suis allé
au Schoenfels un paquet de fois. Donc en début de saison j’étais vraiment solo. J’ai fait les
deux départs debout : de ce bloc la et de celui à côté, deux 8A. Ensuite j’me suis dis vas-y
on va se lancer dans des trucs un peu plus dur et donc y a le départ assis qui donne le 8B.
Grimper seul, c’est une autre ambiance, c’est dur de se pousser. En plus la météo est
douteuse là bas donc dès que les éléments ne sont pas avec toi c’est vraiment chaud de se
motiver.

Pierre était très présent pour toi puisque c’était ton entraîneur, est ce que c’est
toujours le cas aujourd’hui ?
Oui toujours, à la base c’était mon entraîneur pour la compet’ pendant une dizaine d’années
et quand j’ai arrêté la compet’ on a essayé de continuer pour s’entraîner en falaise comme il
a une grosse expérience en tant que falaisiste. Le fait qu’on se connaisse vraiment bien, lui
permet de savoir ce qui me convient le mieux. Et puis comme il a beaucoup grimpé sur les
falaises en Alsace, il a les tips, des petits souvenirs, c’est pratique !
Tu fais attention à ton alimentation ?
Alors là en ce moment pas trop, mais pendant ma période de bloc l’an dernier, ouais pas
mal. Quand je faisais de la compet’ aussi. Mais c’est pas régime comme on l’entend, je fais
surtout attention à ce que je mange le matin sinon je suis éteint toute la journée. Donc je fais très attention le matin tandis que midi et soir pas plus que ça. Même si quand tu veux perfer, être un peu plus léger c’est mieux.


Pour toi, c’est quoi la finalité d’une performance ? C’est la vérité du résultat ou
l’émotion que te procure ce genre de défis ? Autrement dit, qu'est ce qui te rend le
plus heureux : le pendant ou le après ?
En vrai je pense qu'on pourrait dire le après parce qu’une fois que t’as réalisé ton projet t’es
super content, ça a pris des semaines voire des mois parfois. Mais j’aurais bien dit pendant
aussi, au moment où tu commences à être proche, tu te dis « ouais j’ai mes chances ». Ce
qui est sympa, c’est que t’y penses toujours. Tous les soirs tu te couches, tu penses à tes
mouvements, tu t'imagines en train de les faire. Il y a une petite forme de stresse, c'est
sympa. Donc j’aurais dit au moment où t’es proche de le faire et tu commences à te poser
des questions, c’est une petite bataille mentale. Bien sur il faut savoir équilibrer : pas trop
stresser non plus, être en confiance... Ce n'est pas toujours facile. Ça peut vite devenir
mental, si t’arrive à la falaise et que tu stresses...


Ça t'es déjà arrivé de stresser pour un projet ?
Oui parfois, quand ça commence à prendre un petit peu de temps, tu te poses pas mal de
questions. Par exemple dans une voie tu fais 6/7 séances, là t’es hyper bon et la séance
d’après tu peux redescendre et faire des essais un peu moins bons. Par exemple, quand
Thomas Wendling a fait l'Âme du Phénix, le 8c au Kronthal, il y a passé au moins 4 hivers
malgré qu’il ai mille fois le niveau. Mais parfois, mentalement, tu craques quand t’arrive si
proche du but.


Tu préfères grimper l’hiver ?
Ouais, dans le groupe on est tous du même avis. En général l’été, quand il fait ultra chaud
on grimpe un peu mais c’est beaucoup plus chill, on peut pas essayer les trucs très durs
l’été parce que la friction est mauvaise... On est team hiver !


Quels sont tes projets pour l’année 2025 ?
J’ai des projets en tête même si ces derniers temps j’étais vraiment focus sur l’escalade
plaisir. Ces derniers jours, à Magic Wood j’ai fais quelques bloc en dessous de mon niveau
max pour décompresser un peu, parce qu’essayer des trucs qui me poussent dans mes
retranchements tout le temps c’est dur mentalement. Ces derniers mois j’me suis un peu
penché sur le côté « fun » donc j’ai un peu redescendu le niveau pour essayer de faire du
volume. J’ai fait quelques blocs sympas même si la Suisse en termes de niveau ça reste un
peu plus soft par rapport à ce que l’on trouve en Alsace. Peut-être essayer des 8B+ en
Suisse comme « Power of Now », un et l’hiver prochain j’essayerai peut-être “Aloha” !