La magie du premier 7a, Vincent Sexauer

La magie du premier 7a !

Merci à Vincent Sexauer pour ce partage  

"Je me suis fixé depuis un moment un but bien précis : réussir une voie d’escalade de niveau 7a en falaise ! 

Ce n’est pas une nécessité vitale, mais un indicateur de progression, un cap à franchir avant d’en viser d’autres. Après plusieurs repérages lors des deux dernières années dans différentes voies (Passé décomposé, Fausses fractures, Lili Marlen, Ascendance, etc.), j’ai choisi Fausses fractures, qui est un classique du site du Kronthal, pour accéder à ce degré de difficulté là. 

Ce qui est positif, c’est qu’après deux blessures qui m’ont mis à l’arrêt plusieurs mois l’année passée, une tendinite du long biceps et de la coiffe des rotateurs puis une rupture partielle de poulie au majeur, je suis de retour dans ce niveau. Et mieux encore : je me sens aujourd’hui beaucoup plus à l’aise dans la voie. 

Depuis janvier, j’ai donc fixé un planning avec des objectifs à court et long terme : par exemple, réaliser certaines voies en 6c/6c+ en salle et en extérieur, repérer les mouvements dans celles en 7a, voire plus, et surtout m’astreindre à un rythme de trois entraînements par semaine complétés par des exercices de renforcement musculaire. Dix mois plus tard, ça y est, je suis prêt (et pas blessé, lol). 

Après deux bons essais la semaine précédente dans la voie, je connais tous les mouvements, j’ai la technique, le mental et la force ! 

Quoique… En ce jeudi 9 octobre, je me sens déjà fatigué par la semaine de travail et la rentrée scolaire. Je ressens le poids des entraînements passés, une douleur au bras gauche s’est installée mais rien de grave et le soleil tarde à se lever. Bref, je suis sur le point de me démotiver quand Louis, mon binôme du jour, me contacte : « Yo, ça va ? Tu veux y aller pour quelle heure ? » Donc, go pour le Kronthal à 15 h…

Une fois sur place, le temps n’est pas fou : il fait humide, mais les voies sont sèches. Et fun fact : en cette fin d’après-midi automnale, il y a plein de coccinelles sur les parois de l’ancienne carrière de grès. On s’en amuse pendant la voie d’échauffement, les écrasant presque tant elles sont nombreuses. Peut-être avaient-elles aussi un rendez-vous aujourd’hui ? Ensuite, c’est le premier essai pour moi dans la voie, et je stresse un peu trop et me précipite. Je chute à la première difficulté (le crux) et je galère à clipper la dégaine du cinquième point. Bref, c’est normal, et de toute façon, je ne suis pas pressé. Si ce n’est pas pour aujourd’hui, ce sera pour une prochaine fois. 

Louis tente son projet également — un autre 7a, L’école buissonnière — et fait plusieurs arrêts, ce qui me laisse un bon moment de récupération. 

Vient ensuite mon deuxième essai. Les dégaines sont posées, c’est plutôt calme et le ciel s’est un peu dégagé. 

J’y vais plus tranquillement, sans rien attendre, en me concentrant bien sur mes mouvements et mes sensations. Je prends le temps de me reposer avant que cela ne devienne dur et de bien rester les bras tendus avant le premier crux. Tout s’enchaîne ensuite avec fluidité : je place mes pieds avec précision, la douleur au bras gauche a disparu et je suis pleinement dans l’instant. Je marque une pause avant le second crux pour relâcher les bras, respire profondément, et observe les coccinelles qui s’envolent. Je me dis qu’elles m’ouvrent la voie. Je prends confiance et commence à croire possible l’enchaînement. Les gestes s’enchaînent tel une chorégraphie bien exécutée. 

C’est un moment magique : les mouvements sont propres, je ne fais pas d’erreur et je suis en pleine harmonie avec la nature et la paroi. C’est enfin l’ultime bataille avec la grosse réglette finale, qui est la dernière prise exigeante à tenir. Je m’y accroche, pousse et ça passe ! Un court repos, et je fais le dernier pas jusqu’au relais du sommet. ;) 

Je suis tellement heureux d’y être arrivé !

Stimulé par ma réussite, Louis enchaîne lui aussi sa voie avec une parfaite maîtrise. Un autre instant où tout se fige : on est concentrés uniquement sur les mouvements et les repos pendant l’ascension. À la descente, il est super content et me dit que c’est aussi sa première voie réussie en 7a !

C’est sûr, ce jour-là, le grand esprit du Kronthal était avec nous !"