A écouter
Quand l’escalade libre allie la recherche de difficulté et la créativité, s'apparente-t-elle à une science artistique ou un art scientifique ?
Avec
- Antoine Le Menestrel danseur de façade et chorégraphe
Les grimpeurs sont des gens étranges : inconfortablement perchés le long d’une paroi, ils appellent « vide » le petit volume d’espace qu’ils surplombent, alors même qu’un vide bien plus vaste et bien moins dense s’étend tranquillement au-dessus de leur tête. Leur prétendu « vide », celui qui s’étend sous eux, n’est en somme que ce dans quoi ils pourraient, par malheur, chuter. Or ce vide-là ne manque pas d’air, il en regorge même.
L’origine de cette curieuse inversion qu’opèrent les grimpeurs, en appelant vide les zones de l’espace qui sont les moins vides, est facile à comprendre : luttant à chaque instant contre la gravité, ils font spontanément de celle-ci force l’arbitre de l’orientation de l’espace qui les entoure. C’est en somme la direction de leur poids qui rend à leurs yeux la dimension verticale plus essentielle que la dimension horizontale. Et, selon les circonstances, la gravité peut aussi bouleverser la sensation qu’ils ont de leur propre corps, car on ne sent pas son poids de la même façon selon qu’on a les pieds posés sur quelque prise offerte par la paroi ou selon qu’on est suspendu dans le vide par les mains.