Les posts précédents ont mal compris la motivation de mon message tout comme l’enjeu des articles dont les liens ont été partagés. Ce qui est en jeu est l'instauration d'une qualification d'équipeur, perçue comme une poussée supplémentaire de la saisie de l’escalade par le marché. Ce que je voulais dire est que les grimpeurs étant devenus des consommateurs qui n'ont pas conscience qu'il faut produire leur terrain de jeu, trouvent désormais "naturel" que des falaises soient équipées dans des conditions qu'ils ne connaissent sans doute pas pour beaucoup d'entre-eux. Mais évidemment ce n'est pas "naturel" car les bolts ne poussent pas comme les prises, sauf à Bergholtz bien sûr où ces dernières ont été placées après les premiers. Dès lors des liens comme ceux qui sont partagés...n'engendre aucun débat sur leur sujet précis : la marchandisation liberticide de l'équipement des falaises se parant d'un argument pseudo-sécuritaire.
Ce qui est en train de se jouer avec la mise en place d'une qualification d'équipeur comme avec la réforme du conventionnement des falaises est l'achèvement de l'institutionnalisation et de la marchandisation d'une activité qui naquit un jour en affirmant son humeur anti-institutionnelle et anti-marché. Sans faire trop de prospective car cela fonctionne déjà ainsi (voir le déséquipement du Cimai il me semble) nous sommes face à l’avènement d’une marchandisation de l’équipement garanti par la collectivité apeurée par toute prise de risque mais aussi par tous ces gens qui réclament une liberté. Des collectivités endossant la responsabilité et signant des contrats de gestion des falaises avec des structures disposant d'une main d'œuvre dite qualifiée car détentrice du fameux titre que le syndicat SIM tente de promouvoir. Alors il arrive que ce qui reste de la FFMEUHH canal historique se rappelant que l'escalade se pratiquait sur sites naturel endosse cette responsabilité. Il arrive que des clubs se lancent dans l'aventure. Mais il est pratiquement assuré que le futur sera à des appels d'offre dans lesquels se positionneront des entreprises du BTP, du travail en hauteur. Désormais à quand un Kronthal rééquipé par Vinci...avec un parking à péage au pied ? Sans doute cette boutade sera une réalité...dans 5 ans sans que personne ne trouve à y redire.
Rappelons d'où nous venons...Au point de départ les équipeurs de falaise étaient des gars qui comme Alex ou Romaric (à la Martins’) trouvaient une ligne chouette ; mettaient des points pour la gravir avant de passer à la suivante. Certains équipeurs se disaient alors créateurs, artistes (voir les discours d'Antoine Lemenestrel sur le sujet). Certes, la revendication d'une voie comme création d'une œuvre intellectuelle avait une arrière-pensée mercantile dès lors que 'l'artiste" réclamerait la rétribution de son travail mais aussi la protection de son exposition dans des topos. Le débat est ainsi assez ancien et nous revient désormais sous la forme de la proposition d'une qualification officielle. Il s'agissait par exemple de se protéger des topos pirates publiés pour remplir les poches de leurs auteurs plus que pour financer les falaises. On sait désormais que les « artistes » ont perdu la bataille face aux prédateurs topographes que ce soit à Buoux, en Grèce, en Espagne et même dans notre région où les falaises du Sud comme celles du Nord ont fait l’objet de parutions aussi mercantiles qu’approximatives. Notamment peut-on voir un site internet qui recopie sans vergogne le moindre topo sous prétexte que l’escalade est une grande famille qui doit partager l’information...mais pas les revenus publicitaires de cet espace digital. Pour l’anecdote : l’auteur est autrichien, l’association immatriculée en Australie car les droits de la propriété intellectuelle sont inexistants, le compte en banque...à Zurich. Il a déjà été dit ici comment certains équipeurs sont passés à l'équipement systématique et accéléré de voies que, pour beaucoup d'entre-elles, ils n'étaient pas en mesure de gravir eux-mêmes. Ce que l'on a gagné en homogénéité de l'équipement, en sécurisation des voies, des sites, nous l’avons perdu en créativité, en esprit d’aventure et même en esprit sportif car équipement et réalisation étaient les deux étapes du geste sportif de l’escalade libre. Mais face à ce qui s’annonce, les tenants de l’équipement systématique comme notre local, Armand Baudry, seront désormais mis aux rebuts par ce qui se profile. Il leur reste à briguer le titre proposé par le SIM, syndicat des plus offensifs pour user d’un langage euphémisé, par une validation des acquis de l’expérience, voie d’accès légale à la qualification en France. Ainsi une collectivité, par exemple le département du Bas-Rhin, pour se blinder face au risque juridique, demandera à son « prestataire de service » (beurk) en matière d’équipement de falaise d’avoir des employés qualifiés officiellement. Il est possible dès lors que des prestataires type Vinci (même si on ne voit pas trop la pertinence économique de la chose pour des boites pareilles en l’état) se positionnent sur ces marchés en appliquant des normes de sécurité sans cesse plus draconiennes standardisant encore plus avant l’équipement, faisant perdre à toutes les voies, tous les sites toute identité. On peut même imaginer que la dérive sécuritaire ira jusqu’à la sécurisation des prises et donc par précaution leur élimination (ce qui aurait l'avantage de relancer l'escalade extrême mais de mettre à bas nos gravières locales). Rappelons-nous qu’en gardien de la chose, certains propriétaires ont été inquiétés à la suite de la casse d’une prise ayant engendré un accident dramatique. Ainsi par exemple, si je suis équipeur qualifié employé par Vinci, venu inspecter et rééquiper le Brotsch, sous mandat du département du Bas-Rhin, et bien j’enlève immédiatement l’écaille qui permet de faire la lolotte du traité faisant passer la voie de 7b+ à 7c+...
Ainsi nous qui critiquions dans le temps l’équipement systématique qui a précipité la mise en retraite des équipeurs sportifs et historiques de la Martins, du Lac Blanc...nous trouverons qu’Armand Baudry...ce n’était finalement pas le pire, hormis ses oukases anti-moulinette dans les points qu’il ne respectait pas lui-même. Heureusement (malheureusement en fait) l’histoire est écrite et peut-être même sa fin car Vinci équiperait-il l’Extrême Onction, premier 7a de France, l’Action du temps 8a, Vue de l’esprit 7c+ et pire encore Protection rapprochée 8a dont il faudrait impérativement cimenter la partie sableuse centrale qui fait trembler depuis si longtemps ?
Face à tout cela le CLIPPE du Royan Vercors apparait comme un rêve romantique essentiel de Vincent, Simon, Romain...équipeurs historiques passionnés, un peu anarchistes (beaucoup ?) beaucoup anti-capitalistes qui tentent de préserver une liberté d’équiper sans transiger pour autant avec la sécurité. Le Clippe "RêVe" mais il est le geste désespéré nécessaire pour sauver ce qui reste de l'humanité de l'escalade ! A quand un CLIPPE alsacien ?